Le Mystère de la carte de Piri ReisIntroduction
La fameuse carte de Piri Reis a fait couler beaucoup d'encre depuis près de 50 ans. N'ayant a priori rien à voir avec le phénomène OVNI, on en entend pourtant souvent parler dans le milieu, à propos d'hypothétiques civilisations extraterrestres ayant visité la Terre par le passé… L'Ufocom a donc voulu savoir où en étaient les recherches actuelles sur le sujet.
L'Histoire
Piri Ibn Haji Mehmed fut un grand amiral ("Reis" en Turc) de la flotte turque ayant vécu au XVIe siècle. Fin lettré, il était passionné de cartographie et collectionnait les cartes, il était en outre lui même un excellent cartographe. Lors d'une bataille, l'oncle de Piri fit prisonnier un marin, un ancien pilote de l'expédition de Christophe Colomb vers le Nouveau Monde. Le pilote avoua que Colomb n'était pas parti à l'aveuglette comme on le croyait, mais que, non seulement il possédait déjà des cartes et un livre, mais qu’en plus le pilote les avait encore! Il les montra à Piri, qui put vérifier leur exactitude…
En 1513 et en 1528, l'amiral dessina deux cartes du monde, compilant les données de toute sa collection et, plus tard, écrivit le Kitab-i-Bahriye (Livre de Navigation) dans lequel on trouve en plus 215 cartes représentant principalement les rives de l'Atlantique. C'est de cet ouvrage que l'on tient l'ensemble des informations de l'histoire. Il y est dit que non seulement il recopia des cartes de Colomb, mais aussi des cartes datant d'Alexandre le Grand! Il cite aussi St Brandan, Nicola Giuvan, Anton le Génois, etc.. Il y a aussi des apports de l'expédition de Cabral, qui découvrit le Brésil en 1500 lors d'un voyage vers l'Inde. D'étranges particularités, comme une légende irlandaise écrite en haut de la carte, montre que Piri s'est aussi inspiré d'autres cartes européennes.
En 1929, un groupe d'historiens redécouvrit le Bahriye dans la bibliothèque du palais de Topkapi à Constantinople. Mais il fallut attendre 1953, pour que s'y intéresse un spécialiste des cartes anciennes: le Capitaine Mallery, un officier ingénieur à la retraite ayant travaillé au Bureau Hydrographique de la l'US Navy. Ayant une longue expérience en la matière, il prit immédiatement conscience de l'étrangeté de la carte et entreprit, avec l'aide d'autres cartographes, de l'étudier de près.
Le professeur Charles H. Hapgood et Richard W. Strachan avancèrent ensuite que l'étonnante précision de la carte (position des rivières, des montagnes, des îles, des déserts…) ne pouvait être issues que de photos aériennes, donc d'anciennes civilisations à la technologie avancée!
Caractéristiques de la carte de 1513
Sur cette carte, on localise les points géographiques, non pas à l'aide de longitudes et de latitudes comme aujourd'hui, mais à l'aide d'une série de cercles ayant des lignes radiales. Les cartes utilisant cette méthode de localisation perfectionnée par Dulcert Portolano portent le nom de cartes portulanes. Ce système était sans doute déjà en utilisation au Moyen Âge. On voit aussi deux losanges représentant l'échelle.
Elle comporte de nombreuses illustrations tels que les portraits de souverains, des éléphants en Afrique, des lamas en Amérique du Sud, des bateaux sur l'océan, des oiseaux dans les îles, les montagnes, les rivières, les hauts-fonds, les écueils…
La carte est aussi couverte de notes diverses (version complète en anglais sur le site du Piri Reis Map Project), par exemple:
"…Ces montagnes contiennent un riche minerai…"
"Ce pays est habité…"
"Ces côtes sont nommées les rives des Antilles. Elles furent découvertes en 896 du calendrier arabe. Mais il est dit que c'est un infidèle Génois, du nom de Colombo, qui découvrit cet endroit…"
"…Les côtes et les îles de cette cartes ont été recopiées de la carte de Colombo"
"Et dans ce pays, il semble y avoir des monstres au pelage blanc, ainsi que des boeufs à six cornes."
Géographie
Le Groenland
Mallery a su démontrer que la carte montrait avec une grande précision les côtes du Groenland dépourvues de glace! Le Groenland est représenté comme composé de deux îles, prises aujourd'hui sous une même chape de glace. Les îles dessinées correspondent parfaitement aux pics sous-glaciaires, et l'un d'entre eux a même été découvert grâce à cette carte, sous l'insistance de Mallery! Ceux qui ont fait la carte semblaient connaître les coordonnées parfaitement, même les longitudes, ce que nous ne savons faire que depuis deux cents ans (et à l'aide de longs et difficiles voyages à l'époque)! Rappelons aussi que les côtes du Groenland sont prises dans les glaces depuis dix mille ans, au tout début du néolithique…
L'Antarctique ?
En suivant les côtes de l'Amérique du Sud, sous Rio de Plata la côte tourne brusquement vers l'est et montre une certaine ressemblance avec les côtes de l'Antarctique dépourvues de glace, alors que la banquise les recouvre depuis dix mille ans, et n'ont pu être cartographiées que grâce à des méthodes modernes de sondages sismiques. En fait, l'Antarctique était totalement dépourvue de glace il y a plusieurs millions d'années.
Des chercheurs russes ont opposé que la partie inférieure de la carte n'était pas l'Antarctique mais l'Amérique du Sud, trop étendue vers l'est. Il manque en effet neuf cents miles de côtes au sud du continent, sous Rio de Plata, en-dehors de l'orientation et les deux parties de continent sont rattachées. Le cartographe a peut-être tourné le parchemin par manque de place.
Le Pr Dolgouchine de l'institut géographique de Russie, quant à lui, avance que la carte représente peut-être l'Antarctique… mais après la glaciation. Dès le début du XVe siècle, les cartes montrent une terre reliant l'Afrique à l'Asie et les marins de la Renaissance qui recherchaient la Terra Australis trouvèrent l'Australie, mais jamais l'Antarctique. Vespucci avait déjà aperçu une terre au sud qu'il avait appelé la Terra de Vista: sans doute les Falklands, voire l'Antarctique. Un peu plus tard, des navires Portugais et Hollandais firent les mêmes observations.
Les avis sont donc partagés sur le sujet. D'une manière ou d'une autre, la partie sud de l'Amérique du Sud n'était pas officiellement connue avant 1520, et l'Antarctique ne fut découverte officiellement qu'au XIXe siècle.
L'Amérique
La carte montre Rio de Plata, qui semble ne jamais avoir été remarquée par les marins de la même époque. Les côtes de l'Amérique du Sud sont très précises (voir carte comparative par le Pr Afetinan) et les distances avec les côtes de l'Afrique sont bien plus exactes que sur n'importe quelle autre carte européenne de cette époque. On y trouve aussi ce qui apparaît comme être la chaîne des Andes ainsi que le tracé de l'Amazone (il apparaît en fait deux fois, cette partie vient sans doute de deux cartes différentes). Ce point encore montre la qualité de la carte, pourtant elle n'est pas la seule de cette époque à montrer ces détails. Les cartes de Nicolo de Canerio (1507) et de Martin Waldseemuller (1502-1504) montrent aussi des montagnes en Amérique du Sud, malgré qu'elles soient pauvrement dessinées. Cette partie de la carte a d'ailleurs peut-être été copiée de la carte de Canerio, dont la ressemblance est frappante, et qui fut elle-même tracée bien avant que l'Amérique du Sud ne soit explorée officiellement.
"On ne sait pas comment ils ont pu tracer une carte si précise sans l'aide d'un avion. Mais ils l'ont fait!", dit Mallery.
Par contre, la région des Caraïbes est très peu précise, l'échelle et l'orientation du groupe d'îles sont erronées. Cela peut être expliqué si cette partie de la carte vient d'un Colomb ayant cru que ces îles étaient le Cipangu (Japon) de Marco Polo et ayant tenté de faire correspondre les cartes. Et comme chez Colomb, Cuba est raccroché au continent. Notons qu'il existe à la même époque des cartes montrant Cuba comme une île, telle que celle de Juan de la Cosa, marin ayant navigué avec Colomb puis Vespucci.
Il y a aussi un certain nombre d'îles légendaires dans l'océan, comme c'était courant sur les cartes médiévales.
Du travail de Mallery
Le capitaine Mallery avoue s'être débarrassé de la grille de coordonnées car elle était incorrecte. Il postule que, cette carte étant une compilation, les cartes originales n'ont pas été tracées depuis les mêmes références et que la grille fut ajoutée par la suite. Il serait alors normal que cette grille soit incorrecte, ce qui n'enlève rien à la précision des cartes originales. Inutile de préciser que Mallery a été violemment critiqué pour cela.
Des conclusions de Hapgood
Le Pr Hapgood avance l'existence d'anciennes civilisations possédant une haute technologie en s'appuyant sur la précision de la carte de Piri Reis. Mais il semble qu'il aurait interprété certains points géographiques à son aise, afin de conforter son idée de la grande précision de la carte. Son argumentation principale porte sur la région des Caraïbes, erronée comme décrit ci-dessus. Il considère une île appelée Hispaniolia (la première colonie de Colomb, aujourd'hui Haïti et la République Dominicaine) comme Cuba, alors que celle-ci n'apparaît pas comme une île, comme chez Colomb. Il y a aussi des termes en Italiens, typiques de Colomb, au lieu de l'habituel Portugais. Cette partie vient donc plus certainement des cartes de Christophe Colomb que de celles d'une ancienne civilisation…
Perspectives
Le Advanced CAD Laboratory du College of Engineering & Technology de l'université d'état McNeese a lancé le "Projet Piri Reis" consistant à mettre une bibliographie sur Internet, à retracer la carte à l'aide d'outils informatiques et à effectuer une comparaison rigoureuse avec les cartes modernes.
Conclusion
En dehors du fait que certains points semblent pouvoir être éclaircis par des explications satisfaisantes, la carte de Piri Reis garde encore un certain nombre de mystères. Au-delà des polémiques sur l'Antarctique, les côtes du Groenland jusqu'à la Floride montrent effectivement une précision incomparable avec les autres cartes de la même époque. D'autre part, les côtes américaines et africaines et la distance qui les sépare sont aussi d'une grande précision, ce qui est surprenant à cette époque où on ne savait pas mesurer les longitudes. Il semble que Colomb n'ait pas été le premier explorateur de l'Amérique, que celle-ci ait déjà été en partie cartographiée, mais par qui? Les Viking n'ont jamais été plus loin que le nord de l'Amérique. Certains archéologues –très contestés– pensent avoir découvert des vestiges phéniciens ou crétois en Amérique…? Mais comment une telle précision a-t-elle pu être atteinte? Comment ces précurseurs connaissaient-ils les longitudes? Et quand donc la carte du Groenland préglaciaire a-t-elle été tracée? Y a-t-il vraiment eu une civilisation capable de tracer des cartes d'une telle précision à l'époque ou le reste de l'humanité peignait sur les murs des cavernes? Elle n'aurait alors pas laisser beaucoup de traces…
On peut au moins dire, pour qui pense à une civilisation extraterrestre, que si les cartes sont précises, elles ne sont absolument pas parfaites, ce qui devrait être le cas si nous avions affaire à une civilisation capable de voyager dans l'espace! D'autre part, les cartes représentent principalement les rivages, et très peu l'intérieur des continents: ce sont donc bien des cartes de marins!
Fabrice (UFOCOM SCI COORD), le 10/01/99
source: http://www.ufocom.eu/pages/v_fr/m_archeo/Pirireis/pirireis.htm